«Il nous faut parvenir à un budget adapté au contexte économique actuel qui permette à notre pays de stabiliser davantage son économie...», déclare SEM. Ousseini Tinni

SEM. Ousseini Tinni

« Mesdames et Messieurs,

Avant d'entamer mon propos, je voudrais vous demander, à tous, de prier pour le repos des âmes des soldats nigériens et américains récemment tombés au champ d'honneur dans la région de Tillabéry. De même, je vous invite à prier pour que tous les otages nigériens actuellement aux mains de l'ennemi retrouvent rapidement leurs foyers respectifs, sains et saufs. Je vous remercie. Distingués invités, Par la grâce de Dieu, le Tout puissant, le miséricordieux, nous voici à nouveau réunis pour cet habituel rendez-vous qui marque le lancement des sessions ordinaires de l’Assemblée nationale ! Merci à vous tous d’honorer ces précieux instants de communion républicaine !

Chers collègues, j'espère que chacun d’entre vous, après avoir restitué aux citoyens de base les résultats de nos précédents travaux, nous est revenu armé d’une nouvelle résolution tendant à prendre les meilleures décisions possibles pour la marche en avant de notre pays. J’espère vivement que les attentes et doléances recueillies auprès de ces citoyens peuvent aisément être traduites dans la loi de finances, principal point de l’ordre du jour des présentes assises ! J’espère également que le budget 2018 sera sous-tendu par une bonne croissance économique en raison des échos favorables qui nous parviennent du monde rural. Il semble, en effet, que la campagne agricole qui avait laborieusement commencé aura un épilogue des plus heureux ! Avec l’ensemble des députés et tous les nigériens, je souhaite vivement qu’il en soit ainsi afin que le monde rural retrouve quiétude et joie de vivre et que notre économie retrouve un souffle nouveau. Car, comme chacun le sait, son évolution repose en grande partie sur l’Agriculture et l’élevage qui concentrent l’essentiel de la main d’œuvre nationale. Une bonne récolte et une abondance de pâturage, c’est aussi la fin des recours aux habituels palliatifs de la période de soudure qui représente, assez souvent, un rendez-vous redouté tant par les paysans et les éleveurs que par les autorités de notre pays.


Dans cet ordre d'idées, je voudrais féliciter le Gouvernement pour tous les efforts qu’il a déployés au cours de la présente année pour alléger les souffrances de la population pendant la période critique de soudure, qu’il s’agisse de la distribution gratuite et de la vente de vivres à prix modérés, ou de l’organisation d’opérations de travaux à haute intensité de main d’œuvre. Au total, cette année, c’est plus de quatre-vingt-deux milliards de FCFA qui ont été mobilisés pour couvrir ces opérations.
Il reste à souhaiter que les bonnes récoltes qui s'annoncent soient gérées de manière rationnelle afin que le monde rural crée lui-même les conditions d'une autorégulation de ses cycles économiques et que le budget de l’État puisse s'orienter plus efficacement vers des secteurs porteurs de croissance et de changements structurels qui permettent de relever les défis de souveraineté.

C’est dire alors que nous aurons beaucoup à faire au cours des deux prochains mois, d’autant plus que notre méthodologie de travail connaîtra de profonds bouleversements liés aux changements d'approche en matière de présentation du budget. Fort heureusement, à la faveur des sessions de formation dont nous avions précédemment bénéficié, chacun d’entre-nous est assez outillé pour comprendre les mutations découlant du passage d’un budget-moyens à un budget-programme. Nous n'avons donc aucune inquiétude quant à la capacité technique de notre institution à s’adapter aux changements de paradigme en matière budgétaire. L'on se rappelle qu'à l’occasion du tout premier débat d’orientation budgétaire, l’Assemblée nationale a approuvée les grandes lignes de l’orientation générale du projet de loi de finances 2018. Elle a ainsi vivement encouragé le Gouvernement à poursuivre la réforme des finances publiques et à travailler â la stabilisation du cadre macroéconomique. Par-dessus tout, elle soutient fermement le projet de réforme de la fiscalité dont l’un des objectifs est de parvenir à une pression fiscale de 20% sur les trois prochaines années. De même, elle réitère au Gouvernement son habituelle recommandation relative d'une part, à l’amélioration de la qualité de la dépense publique et d’autre part, à la réduction drastique des dépenses fiscales.
En définitive, il nous faut parvenir à un budget adapté au contexte économique actuel qui permette à notre pays de stabiliser davantage son économie, dans le respect de ses engagements aussi bien internes qu’externes avec notamment la révisions annuelles que sur les marchés et les recrutements publics générés par l'exécution de ce budget, nous serons encore loin de cette émergence à laquelle rêvent tous nos concitoyens. Pour cela, il faudrait que les relations horizontales entre les autres acteurs économiques se développent encore davantage. Il faudrait que l’agriculture nourrisse l'industrie qui donnera aux services l’élan nécessaire à leur essor ! Il n’y a pas que l’État comme partenaire économique ! Il y a surtout cet immense potentiel qu’offre le secteur privé, formel ou non ; il faudrait aérer davantage d’opportunité pour permettre à ce secteur de multiplier les échanges internes. N’attendons donc pas tout du budget de l’État dont la mission première est la régulation de l’économie.

Distingués invités, Mesdames et Messieurs, Ce n’est pas uniquement en matière économique et financière

cela n’est pas de bon aloi ! Pour les faits les plus anodins l’on sort l’argument politique en prêtant les intentions les plus saugrenues à l’adversaire du moment Nous entretenons ainsi un climat de campagne politique permanente au lieu que chacun d'entre-nous se mette à jouer le rôle que notre constitution lui assigne. Les nouveaux moyens de communication, au lieu d’être une opportunité à saisir pour améliorer notre vécu quotidien, semblent être un vecteur de fausses informations, de menace sur notre quiétude individuelle et collective. Au heu d’être des instruments de liberté, ces moyens, par l’usage détourné qui en est fait, menacent notre liberté. Il n’est pas jusqu'aux honnêtes pères de famille qui ne soient poussés au désespoir par un usage malhonnête de ces instruments.

Mais, les débordements en matière de communication ont surtout trouvé leur terrain de prédilection dans les attaques généralisées contre les institutions nationales, expression de notre volonté commune et garantie de nos libertés collectives et individuelles.

Distingués invités, Chers collègues, c’est après d’âpres combats que nous avons pu parvenir à la Démocratie ; n’en galvaudons pas les principes cardinaux par un excès d’impatience et de fébrilité. Qu’il s’agisse de la presse ou des réseaux sociaux, sachons raison garder et travaillons à maintenir les équilibres indispensables à la survie du système ! * Dans cet ordre d’idée, je voudrais, avec vous, distingués invités, déplorer la trop grande propension des acteurs politiques et sociaux à vouloir impliquer le Président de la République dans les faits et débats les plus anodins, souvent avec force outrance de langage. Cela ne sert pas notre démocratie, bien au contraire ! Il ne faut pas se tromper d'adversaire. Le Président de la République est une institution à part entière ! Faut-il le rappeler, il n’est ni Chef de Gouvernement, ni Chef de parti, c’est la clé de voûte de notre architecture institutionnelle, c’est le dernier recours, l’arbitre suprême, garant de l’unité et de la cohésion nationales. Vouloir désacraliser sa fonction et celles des autres animateurs de nos autres institutions c’est prendre le risque de desservir la cause démocratique, d'affaiblir l’État, de fragiliser le pays à l’intérieur comme à l’extérieur et de donner raison aux partisans de la démocratie tropicalisée. Personne n’a donc rien à gagner à s’attaquer sans raison au Chef de l’État ! Dans les vieilles démocraties, si le Président de la République est souvent interpellé, ce n’est jamais avec la vulgarité à laquelle nous assistons ces derniers temps au Niger. Gardons donc de la hauteur, honorer les institutions nationales, c’est respecter son pays et surtout ménager l'avenir car, comme chacun le sait, les hommes passent, la République demeure !

Distingués invités, Mesdames et Messieurs, laissez-moi à présent dire un mot sur la question de l’école, qui se rappelle à notre bon souvenir en raison de la rentrée scolaire ! A ce sujet, je voudrais réitérer le souhait de l'Assemblée nationale de voir cette école libérée de toute emprise corporatiste et de toute récupération politicienne. Nos enfants n’aspirent qu’à étudier et nous, parents d'élèves, n’avons d’autre désir que de voir ces enfants confiés à des enseignants compétents et, venu dans le métier par vocation après une formation des plus efficaces. C’est pourquoi, au nom de la Représentation nationale j’encourage instamment le Gouvernement à poursuivre l’œuvre d’assainissement du secteur qu’il vient d’entamer. Il n’y a pas là, objet à polémique ! C'est l’avenir du pays qui est en jeu. A cet égard, je voudrais inviter les syndicats des enseignants à entreprendre des actions pour réhabiliter la noblesse de leur fonction.

Le Niger d'aujourd’hui doit beaucoup à ces syndicats pour les voir s’engager et engager le pays dans l'impasse de conflits sociaux permanents et de négociation sans fin. Au Gouvernement je demanderai de faire tout ce que nos possibilités financières permettent pour mettre tous les enseignants dans leurs droits. Mais, d’ores et déjà, je pense qu’il est utile de rappeler à nos concitoyens que pour la prochaine période triennale, c’est le quart du budget national qui sera consacré à l’Éducation ce qui est considérable pour un pays assailli par de multiples problèmes de sécurité. Il est donc légitime que les citoyens s’attendent à ce que l’école ne soit l’otage de personne.

Distingués invités, Chers collègues, après le rappel de ces évidences, je voudrais vous inviter à réfléchir sur les grandes problématiques de portée internationale mais qui représentent pour notre continent des enjeux des plus importants. Il s’agit du changement climatique, de la révolution numérique et de la transition démographique dont les politiques de gestion auront des impacts certains sur tous les secteurs, sur l’avenir des africains et décideront ainsi du positionnement de l’Afrique dans le monde.
S’agissant du climat, le constat qui s’impose est que le continent africain bien que représentant moins de 4% d'émission de dioxyde de carbone demeure paradoxalement l’un des continents les plus vulnérables à la variabilité et aux changements climatiques à cause des chocs multiples qu’il connait et dont la capacité de réponse et d’adaptation reste faible. Les économies de la plupart des pays d’Afrique sont largement tributaires de secteurs sensibles aux effets du climat, notamment l’agriculture, l’élevage, la pêche, l’exploitation forestière etc. Les impacts négatifs des changements climatiques sur les écosystèmes, les économies et la société sont donc effroyables et, sans action immédiate, ils vont grandissants et accentuent de plus en plus l’extrême vulnérabilité des États et des communautés les plus pauvres.

Il faudrait à mon sens, déployer un trésor de diplomatie pour rendre davantage audible le plaidoyer pour la promotion d'une économie mondiale plus responsable, pour que les grandes industries polluantes assument beaucoup mieux les conséquences de leurs actions sur l’environnement, pour que les pays africains bénéficient des justes compensations des manques à gagner que la dégradation du climat leur fait subir. Il faut mutualiser les moyens d'action des pays africains et adopter une démarche commune notamment par rapport à l’accès au Fonds vert pour le climat qui doit pouvoir mobiliser davantage de financement pour parvenir à l'enveloppe escomptée de cent milliards de dollars à l'horizon 2020 comme souhaité.

Il faudrait également travailler à gagner davantage de pays à la cause du climat et de l'environnement et parvenir ainsi à la ratification par tous les signataires de "l'accord international sur le climat’ conclu à Paris en 2015.

Cependant, la mutualisation des efforts au niveau africain ne doit pas dégager nos pays respectifs de leurs responsabilités nationales. A titre illustratif, chaque pays du sahel devra s’efforcer de réaliser sa part de tronçon de "la Grande muraille verte". Distingués invités Mesdames et Messieurs, la révolution numérique est le deuxième grand défi de l’Afrique contemporaine. Il s’agit d’un tournant à ne pas rater. L’Afrique a été absente de tous les grands bouleversements qui ont façonné le monde actuel ; cette fois-ci, ne pas prendre le bon départ est tout simplement suicidaire ! En effet, le numérique est la meilleure occasion qui nous soit offerte de rattraper le retard technologique et scientifique abyssal que nous accusons par rapport aux pays développés. C’est certainement dans cet ordre d’idée que, le 12 mai dernier à Kigali, le Président de la république SEM ISSOUFOU MAHA- MADOU, disais je cite : "La révolution numérique qui est en cours est une véritable opportunité pour l’Afrique. Elle nous permettra de restructurer notre économie, de renforcer sa croissance et de lutter contre la pauvreté et les inégalités notamment à l'égard des femmes".
Mais, jusqu’ici l’Afrique peine à entrer pleinement dans cette révolution, même si des progrès sont indéniables. Ainsi le taux de 23% de pénétration de l’internet cache beaucoup de disparités d’un pays à un autre notamment en matière de qualité de la connexion. Quant au téléphone portable, sa vitesse de propagation cache également ici et là, de sérieux problèmes d’accessibilité liés à l’insuffisance des infrastructures. Il faudrait donc que les pays africains abordent collectivement le problème. Ils pourraient ainsi mutualiser leurs moyens comme à l’avènement de l’informatique, lorsque les pays africains francophones s’étaient mis ensemble pour créer l’Institut Africain de l’informatique (IAI). Aujourd'hui, c'est l’ensemble des pays du continent qui doivent, tous ensemble mettre leurs moyens en commun afin que chacun d’entre eux puisse bénéficier des fréquentes innovations, dont le numérique est coutumier. A cet égard, il faudrait engager d'importants efforts pour que le numérique s’acclimate à tous les secteurs de la vie nationale, en ville comme en zone rurale, à l’école comme au marché, dans l’Administration comme au sein de l’Entreprise.

Pour y parvenir, il faudrait investir collectivement dans la maîtrise de l'énergie solaire qui pourrait pallier l’insuffisance des réseaux électriques en Afrique.

Distingués invités, chers collègues, "il n’est de richesse que d'homme", comme le proclamait le célèbre homme d’État Mao Zedong ! Encore faudrait-il que l’Afrique crée les conditions d'épanouissement de sa population. Aujourd’hui, cette richesse potentielle représente plutôt une contrainte majeure au regard de ses indicateurs de développement humains très défavorables.
L’avenir de cette population pourrait être encore plus compromis au cours du 21ème siècle sans une volonté commune de changement de politique économique et sociale. En effet de cent millions d'habitants en 1900, la population africaine est aujourd’hui estimée à 1,2 milliards ; elle passerait aux environs de trois milliards en 2050 avant d'atteindre 4,4 milliards en 2100.
A l’évidence, dans cette logique, l’offre de l’économie africaine ne sera plus en mesure de répondre à la demande sociale. La conséquence c’est la permanence voire l’aggravation de la pauvreté, du chômage et de la migration massive, la conséquence c’est la surcharge sur l’environnement et les écosystèmes, la conséquence c’est la dégradation des indicateurs sociaux notamment en matière de santé et d'éducation. En définitive, toutes nos actions de développement resteront vaines si nous ne créons pas les conditions d’une transition démographique. Ne pas agir maintenant c’est assumer collectivement une grande irresponsabilité historique face aux générations présentes et futures. Aussi, il faudrait engager des mesures volontaristes qui transcendent les frontières de nos différents pays. Au préalable, il faut réduire toutes ces pesanteurs socioculturelles qui atténuent les impacts des politiques démographiques. Mais, il me semble que l’un des déterminants sur lequel il faut agir est l'éducation ! En effet, toutes les études sont formelles à ce propos : l’éducation impacte fortement sur tous les indicateurs de développement économique et social! Il nous faut donc travailler à maintenir à l'école, le plus longtemps possible, les jeunes des deux sexes.

Mais, il faut également engager des changements structurels dans cette économie désarticulée. En effet, tant que les secteurs d'activités et les économies africaines ne seront pas intégrés, la transition démographique et la capture du dividende démographique et son potentiel de croissance économique se feront attendre. Distingués invités, les réponses aux trois défis que je viens d’évoquer sont cumulatives, nécessaires et essentielles pour l’émergence de l’Afrique ! C’est pourquoi il me semble utile de ramener au gout du jour les idéaux premiers qui ont présidé à la création, il y a plus de cinquante ans, de l’organisation de l’Unité Africaine. Ces idéaux, au-delà de l'unité spéculative et contemplative, se déclinent en termes de solidarité, de dignité et d'interdépendance ! Cette prise en charge de sa propre destinée sera portée par des dirigeants et une élite africaine volontariste. Elle doit également être partagée et soutenue par une population soucieuse du devenir collectif, une population débarrassée des considérations communautaires et chauvines pour abandonner tout ou partie de la souveraineté de chaque État afin de réaliser l’Unité africaine !

A cet effet la foi en Dieu, Dieu sans lequel rien n’est possible, nous donne la force de relever tous les défis et, comme le dit le célèbre écrivain, Alphonse de Lamartine, je cite : "Une conscience sans Dieu est comme un tribunal sans juge". La religion est le vecteur qui nous permet de réaliser, dans l'harmonie, nos ambitions individuelles et collectives, elle nous est surtout utile dans la lutte contre toutes ces perversions et déviances contre-natures qui sont autant de freins à l’épanouissement humain.

Chers collègues, Distingués invités, comme vous le savez tous, au Niger, il n’est nul besoin de discours pour un retour vers le religieux, l'influence de la religion est présente dans tous les aspects de notre vie. Il nous reste seulement à souhaiter qu’elle continue à nous aider à mieux gérer nos rapports humains et qu’elle soit ce référentiel qui nous fixe toujours la limite à ne pas dépasser en cas de conflits inhérents à la vie en commun.
Avec ce souhait je déclare ouverte la deuxième session ordinaire de l’Assemblée nationale au titre de l’année 2017.
Je vous remercie. ».