Circulaire budgétaire relative à l'élaboration du budget de l’Etat 2018

Premier ministre du Niger, Brigi Rafini

A
Mesdames et Messieurs les Présidents des Institutions de la République ;
Messieurs les Ministres d’Etat ; Mesdames et Messieurs les Ministres et Ministres Délégués ;
Monsieur le Ministre, Directeur de Cabinet du Président de la République ;
Monsieur le Directeur de Cabinet du Président de l’Assemblée Nationale;
Monsieur le Directeur de Cabinet du Premier Ministre.

Objet : Elaboration du budget de l’Etat 2018

J’ai l’honneur de vous transmettre par la présente lettre circulaire des informations pertinentes sur l'évolution récente et les perspectives à moyen terme de la situation économique et financière afin que vous puissiez vous en servir comme base de travail dans le cadre de la préparation de vos propositions de budget-programmes au titre de l’exercice budgétaire 2018.

Comme vous le savez, l’élaboration du budget de l’Etat pour l’année 2018 intervient dans un contexte marqué par une accélération de la croissance principalement soutenue par les secteurs de l’agriculture et du pétrole. Pour ce faire, les objectifs économiques et sociaux du gouvernement s’inscrivent dans la droite ligne du Plan de Développement Economique et Social (PDES) 2017-2021 en cours d’élaboration qui se fondent sur les huit (8) axes du « Programme de Renaissance Acte-2 ». Ce budget est la traduction opérationnelle de la Déclaration Générale de Politique (DPG) du Premier Ministre, répondant à la triple exigence de modernisation politique, sociale et économique.

Le PDES transpose les orientations issues du Document d’orientations économiques 2016-2019 ayant servi de base à l’élaboration du Programme Economique et Financier conclu avec le Fonds Monétaire International.

L’élaboration du PDES 2017-2021 intervient dans un contexte international, régional et national marqué par la persistance des menaces sécuritaires, la baisse des prix des matières premières, le changement climatique, une démographie galopante ainsi que la mise en œuvre de plusieurs réformes notamment dans le domaine des finances publiques dont celle relative au budget programme.

Dans un tel contexte et en vue de permettre la formulation des propositions budgétaires en conformité avec nos choix stratégiques et nos priorités contenues dans les différents documents programmatiques, il me paraît opportun de fixer des orientations pour la préparation du budget de l’Etat au titre de l’exercice 2018 conformes aux dispositions de la Loi n°2012-09 du 26 mars 2012 portant loi organique relative aux lois de finances qui consacre, entre autres, la mise en œuvre du budget programme.
Ces orientations se fondent sur l’évolution de la situation économique en 2017 ainsi que sur les perspectives de 2018 à 2020.

1. La situation macroéconomique en 2017

L’élaboration du Budget de l’Etat au titre de l’année 2018 intervient dans le contexte économique suivant :

• Au niveau international et régional

Ses dernières perspectives de l’économie mondiale du FMI (avril 2017), la croissance économique mondiale s’améliorerait en 2017 (+3,5 %) après une légère décélération en 2016 (+3,1 %). Cette amélioration résulte de la bonne tenue de l’activité économique dans les pays émergents et pays en développement qui enregistreraient une croissance de 4,5 % en 2017 contre 4,1 % en 2016. Toutefois, l’analyse par pays relève des évolutions assez mitigées.

L’activité économique peinerait à reprendre en Chine alors qu’au Nigeria elle se relèverait timidement après la récession de 2016. Pour ce qui est des pays avancés, la croissance économique se stabiliserait à 2,0 % en 2017 après 1,7 % en 2016. Ces perspectives mondiales sont, cependant, soumises à des incertitudes liées entre autres à la gestion de l’après Brexit en Europe et les conséquences probables sur le commerce mondial des orientations de protectionnisme de la nouvelle administration américaine.

Dans la zone UEMOA, en dépit de la chute des cours des principales matières premières d’exportation de ses Etats membres, la croissance économique a été assez robuste, passant de 6,6 % en 2015 à 7,0 % en 2017. Cette situation s’explique en partie par le dynamisme de l’activité économique soutenue par les importants investissements publics (infrastructures routières, agricole, énergétiques, etc.,).

Le marché des matières premières devrait continuer à s’améliorer en 2017 à la suite des différents accords pris par les pays membres de l’OPEP à fin 2016 et début 2017 pour réajuster leur production. Ainsi, en 2017, les cours du pétrole devraient remonter en se situant respectivement en moyenne à 55,23 dollars US le baril. Pour ce qui est de l’uranium, les conséquences de la catastrophe de Fukushima de 2011 continuent de peser sur son cours mondial. En effet, son prix est passé de 36,76 dollars US la livre en 2015 à 26,31 dollars US en 2016 et ne devrait pas enregistrer une amélioration significative en 2017.

L’inflation mondiale est restée modérée en raison de la baisse des cours des matières premières et des produits alimentaires. Le taux d’inflation passerait de 1,4 % en 2015 à 1,1 % en 2017.

• Au niveau national

 Après avoir enregistré ses plus faibles taux de croissance ces cinq (05) dernières années en 2015 et 2016, l’activité économique sera portée en 2017 par la reprise attendue des cours du pétrole et la poursuite de la mise en œuvre des différents programmes gouvernementaux dans les domaines de la sécurité, de l’agriculture, des infrastructures sociales, routières et énergétiques et la gestion des finances publiques.

Le taux de croissance du secteur primaire serait principalement due au ralentissement de l’évolution de la production de la branche agriculture. En rapport avec l’hypothèse (1,7 % contre 14,5 % en 2016) d’un volume pluviométrique moins important que celui de l’année précédente, le taux de croissance s’établirait à 1,7 %.

Le taux de croissance du secteur secondaire passait quant à lui de 4,4 % en 2016 à 11,1 % dans l'hypothèse d’une poursuite de la reprise de la production pétrolière qui atteindrait la capacité maximale de 20 000 barils/jour destinée à la SORAZ. En outre, la production d’uranium enregistrerait une hausse de 0,8 % avec une production de 3 505 tonnes.

Pour ce qui est du secteur tertiaire, le taux de croissance serait de 3,8 % en 2017 contre 3,3 % en 2016. Cette accélération serait notamment due à la bonne tenue des branches commerce (+ 4,6 %) et communication (+ 5,9 %).

Du côté de la demande, la croissance continuerait d’être portée par la consommation finale des ménages et les exportations. Les évolutions des agrégats de la demande se présenteraient comme suit :

La consommation finale progresserait de 8,0 % en 2017, portée par la hausse de 5,8 % de la consommation finale des ménages et de 17,9 % de celle des administrations publiques. Les investissements devraient connaître une baisse de 5,3 % en 2017 après un repli de 14,1 % en 2016 résultant de la hausse combinée de l’investissement public (+ 2,1 %) et de la chute de l’investissement privé (-7,9 %).

Les exportations des biens et services progresseraient en volume de 6,4 % en 2017 après une baisse de 2,8 % en 2016 grâce à l’augmentation des exportations des produits pétroliers.

Les importations des biens et des services en volume afficheraient une augmentation de 3,4% en 2017, après une baisse de 19,8 % en 2016.

Les échanges extérieurs ont baissé de 6,1 % résultant de la chute de la production d’uranium et un recul de 6,6 % des importations en rapport avec la fin de certains grands chantiers et la baisse des achats de biens d’équipements.

Le taux d’inflation devrait rester en dessous de la norme communautaire de 3 % en 2017 grâce à une maîtrise des prix résultant des mesures gouvernementales prises en vue d’améliorer l’approvisionnement du marché agricole. La niasse monétaire progresserait de 17,4 % pour s'établir à 1427,1 milliards de FCFA en 2017, impulsée par une augmentation des crédits intérieurs +21,6 % du PIB. Cette augmentation des crédits intérieurs résulterait d'une hausse de 18,2 % du PIB des crédits à l’économie et d’un accroissement de 3,4 % de la PNG.

Il convient de noter cependant que des risques continuent à peser sur les perspectives budgétaires de l’année 2018 (la guerre contre Boko Haram, l’insécurité dans le Nord du pays et l’Ouest Tillabéri). Ces éléments se traduisent par une baisse de l’activité économique dans les zones concernées, une baisse des recettes fiscales et un accroissement des dépenses de sécurité. A cela s’ajoutent la vulnérabilité de l’économie face aux aléas climatiques.

2. Perspectives macroéconomiques de 2018 à 2020

La croissance économique devrait être de 6,1 % en moyenne sur la période 2018- 2020. Elle passera de 5,5 % en 2018 à 5,4 % en 2019 et 7,4 % en 2020, tirée principalement par l’agriculture et la production pétrolière. Le secteur primaire connaitrait une moyenne de 5,4 % sur la période 2018-2020. Le secteur secondaire connaîtrait un taux de croissance moyen de 8,2 % sur la période. Le secteur tertiaire progresserait en moyenne de 4,9 %. L’inflation sera maintenue en moyenne annuelle en dessous de la limite de 3,0 % au maximum fixée par l’UEMOA.

Les recettes budgétaires impulsées par les réformes de gestion des finances publiques évolueront à un taux moyen de 14,4 %, sur la période, avec une augmentation des recettes fiscales à un rythme de 13 %. Ces évolutions s’expliqueraient, pour ce qui concerne les recettes issues du commerce international, par la mise en œuvre des réformes visant la modernisation des procédures douanières afin de répondre aux exigences de simplification, de facilitation et de célérité, mais aussi par l’application des mesures de sécurisation des recettes de l’Etat ainsi que le début de l’exportation du pétrole brut. Pour les recettes des impôts, les évolutions s’expliqueraient notamment grâce à l’amélioration de l’activité économique, la poursuite de la mise en œuvre des mesures visant l’élargissement de l’assiette fiscale et l’amélioration du rendement de certains impôts et taxes.

Les dépenses publiques évolueront à un taux moyen de 5,2 %, avec une augmentation des dépenses courantes de 5,1 % en conformité avec les objectifs de maîtrise et de rationalisation pour ce qui concerne cette catégorie. Les investissements connaîtront une augmentation de 9,5%, en moyenne annuelle sur la période sous les effets conjugués de la hausse des investissements privés (+10,6 %) et des investissements publics (+7,2 %). Les investissements privés progresseront en raison de la poursuite des grands chantiers pétroliers. Quant aux investissements publics leur évolution s’expliquera par la mise en œuvre des projets structurants du Programme de la Renaissance Acte II.

3. Orientations pour l’élaboration du Budget de l’Etat 2018

Conformément aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, le budget 2018 sera élaboré selon le format budget programme. Ainsi, la loi de finances 2018 sera fondé sur le Document de programmation Budgétaire et Economique Pluriannuelle (DPBEP) 2018-2020 qui présente les prévisions des recettes et des dépenses à l’horizon de trois ans et détermine les conditions de l’équilibre budgétaire (contrainte financière) à moyen terme de l’Etat.

  • En matière de recettes

L’objectif du gouvernement vise l'amélioration du taux de pression fiscale pour le porter à 20% à l’horizon 2020. A cet effet, les mesures en matière de recettes budgétaires visent notamment l’amélioration de la mobilisation des ressources internes grâce au renforcement des capacités des régies financières, à l’élargissement de l’assiette fiscale, à la réduction du champ des exonérations, la poursuite de la lutte contre l’incivisme fiscal et la fraude douanière, l’informatisation des services, à l’amélioration du rendement de certains impôts et taxes et la mobilisation des ressources supplémentaires liées à l’exploitation pétrolière et aurifère.

Pour ce qui est de la mobilisation des ressources extérieures, le Gouvernement s’est engagé à mener une diplomatie offensive en vue de leur accroissement. Les dons et les emprunts projets progresseront substantiellement. La situation de l’endettement public du pays restera sous contrôle, en dessous de la cible régionale de 70%. Néanmoins, la politique d’endettement prudent sera poursuivie et renforcée afin d’assurer la soutenabilité et la viabilité de la dette publique.

  • En matière de dépenses

L’élaboration de vos propositions de budget doit s’inscrire dans le cadre des priorités et choix stratégiques définis par le Gouvernement et se présenter sous format programme. La gestion budgétaire par programme consiste à passer d’un budget de moyen à un budget axé sur le résultat en substituant à l’organisation administrative une organisation par programme regroupant des actions visant des objectifs communs. Le programme doit correspondre à une politique publique ou à une fonction de l’Etat et à des centres de responsabilités bien déterminés. Pour identifier clairement les responsabilités, les programmes/dotations sont établis par Ministère et par Institution dont le nombre ne doit pas dépasser quatre (04) par structure. Un responsable de programme chargé de coordonner et de suivre les activités et/ou les projets du programme devra être nommé par chaque Ministre et président d’institution pour chaque programme de son département.


Les contraintes de ressources, auxquelles s’ajoutent des besoins importants en lien avec la situation sécuritaire, doivent guider vos choix budgétaires, afin de proposer des dépenses rationnelles et de miser l’efficience. Ainsi, en matière de dépenses, les différentes propositions budgétaires doivent s’inscrire dans le cadre ci-après :

• Concernant les dépenses de personnel : la masse salariale serait maîtrisée au cours de la période avec une hausse moyenne de 4,4% par an sur la période 2018-2020. Cette évolution serait liée notamment aux effets attendus du contrôle du fichier de la solde et la bancarisation des fonctionnaires. Dans cette perspective, les nouveaux recrutements éventuels doivent être proposés en tenant compte des besoins prioritaires, afin de garantir le paiement régulier et à bonne échéance des dépenses de personnel ainsi que le respect du critère de convergence en matière de masse salariale. D’autres pistes permettant de réaliser des économies sont à explorer comme l’allégement des organigrammes des administrations. En tout état de cause, tout recrutement doit être conditionné par l’existence d’un poste budgétaire et d’un emploi vacant.

En outre, les effectifs doivent être suivis avec professionnalisme, en utilisant les outils de gestion offerts par la technologie moderne.

Concernant les dépenses de fonctionnement : l’objectif du Gouvernement restera la poursuite de la maîtrise et la rationalisation de ces dépenses. Pour ce faire, vous poursuivrez les réflexions devant permettre de réaliser des économies budgétaires par rapport à l’année 2017, à travers la réduction du train de vie de l’Etat.

S’agissant particulièrement des missions ; les services doivent privilégier celles qui concourent à la mobilisation des ressources, à l’encadrement des dépenses et à la réalisation des priorités sectorielles ;

Concernant les subventions et transferts aux établissements publics et aux autres entités : leur évaluation sera assurée sur la base des états financiers des structures bénéficiaires qui seront examinés au cas par cas lors des discussions budgétaires. En d’autres termes, l’Etat n’entend plus procéder à des reconductions des subventions d’année en année. Toutes les mesures visant leur rationalisation doivent être mises en œuvre. En particulier, la nécessaire adéquation entre leur niveau et les effectifs réels doit constamment être recherchée. Leur évaluation doit se faire sur la base des statistiques et de critères d’action ;

Concernant les dépenses d’investissement : il s’agit fondamentalement d’améliorer la sélection des investissements publics en privilégiant les investissements productifs et ceux des secteurs sociaux prioritaires (Education et Santé). Dans ce cadre, les investissements seront retenus dans le strict respect des dispositions du décret portant cadre institutionnel d’évaluation des projets d’investissements publics et fixant le critère de leur sélection.

Par ailleurs, conformément aux dispositions de l’article 46 de la loi n° 2012-09 du 26 mars 2012 portant loi organique relative aux lois de finances, je vous rappelle que chaque ministère et institution doit présenter en annexe à son projet de budget une liste exhaustive des programmes et projets dont il a la responsabilité. Aussi, conformément aux dispositions des articles 30 et 31 du décret n° 2014-138/PRN/MF du 07 mars 2014 et aux recommandations de l’étude sur le taux de consommation des crédits des investissements, les dispositions ci - après doivent être observées :

- toute inscription budgétaire de programme et projet en matière d’investissement doit être justifiée par des résultats quantitatifs et qualitatifs ;

- chaque ministère et institution identifie ses projets performants et ses projets en difficulté. En particulier, pour les actions nouvelles ou celles qui nécessiteront une reprogrammation, la justification de leur réalisation doit être prouvée.

Concernant les investissements administratifs, les inscriptions de 2018 viseront principalement le renouvellement des matériels durables strictement nécessaires. Leur suivi doit être assuré par la mise en place d’une comptabilité des matières à tous les niveaux, afin d’améliorer la qualité de la préparation des budgets à venir et garantir la rationalité des dépenses d’investissements sur ressources propres.

Il convient également de rappeler que conformément aux dispositions de l’article 17 de la loi n° 2012-09 du 26 mars 2012 portant loi organique relative aux lois de finances, les crédits ouverts par la loi de finances 2018 seront constitués de crédits de paiement (CP) pour les dépenses de personnel, les acquisitions des biens et services et les dépenses de transfert ainsi que d’autorisation d’engagement (AE) et crédit de paiement pour les dépenses d’investissements et CPPP.

Enfin, concernant les Comptes Spéciaux du 1 résor (CST), leurs prévisions, en recettes et en dépenses, doivent être présentées de manière détaillée afin de garantir l’exhaustivité de leurs opérations.

Au regard des impératifs de délai liés à l’adoption de la loi de finances par l’Assemblée Nationale, le calendrier ci-après devra être scrupuleusement respecté :

15 juillet 2017 au plus tard : dépôt au Ministère des Finances des Documents de Programmation Pluriannuelle des Dépenses (DPPD) et des Projets Annuels de Performance (PAP), en copies suffisantes, par les institutions et ministères ;
15 au 20 juillet 2017 : analyse des avant-projets de budget ;
21 juillet au 20 août 2017 : organisation des discussions budgétaires ;
15 au 20 septembre 2017 : examen de l’avant-projet de la loi de finances en Conseil de Cabinet et en Conseil des Ministres ;
Octobre-mi-décembre 2017 : examen et adoption du budget à l’Assemblée Nationale.

Compte tenu de ces contraintes de calendrier, je vous invite à finaliser les travaux de préparation de vos avant-projets de budget respectifs de manière à les transmettre au Ministre des Finances conformément au calendrier sus indiqué. Ces avant-projets de budget doivent également contenir les propositions de mesures fiscales et de recettes à intégrer dans la loi de finances 2018.
Le Ministre des Finances vous notifiera également les enveloppes plafonds de crédits qui vont servir de base aux discussions budgétaires, ainsi que le calendrier détaillé de ces discussions.
Je vous saurais gré des dispositions utiles que vous ferez prendre en conséquence.

BRIGI RAFINI, Le Premier Ministre
Chef du Gouvernement